Voici donc des textes d'art dramatique.

La jonquille

Le trou

L'arbre

Marie Vaudon va voir quelque chose

Partage

Autres textes ?

 

La jonquille

L'un : Viens. Le soleil est dans mon sang. La jonquille sort du bulbe.

L'autre : Laisse-moi le temps. Laisse-moi le temps.

L'un : - .

L'autre : Si, laisse-moi ce temps. Attends. Attends, je te dis. Attends.

L'un : Tu me gâches mon plaisir. J'en ai assez, tu comprends. Assez. Maintenant Nicole Mayekol il faut que tu décolles. Allez hop, accroche-toi et puis, de l'air. Je t'expédie au septième ciel.

L'autre : Au ciel, Marcel, Marcelle, comme c'est loin, comme c'est beau.

L'un : Allez , allez ! serre les poings, enclenche la un et puis la deux.

L'autre : Je peux pas Marcel Marcelle, j'ai des crampes dans les mains.

L'un : Faut que tu décolles. Clique ta ceinture. C'est l'envol.

L'autre : J'ai le ticket, Marcel Marcelle. J'ai le ticket, tu me comprends pas. J'ai le ticket depuis des mois.

L'un : Tu me beurres le crâne, Nicole Mayekol. Le ticket, je connais pas. Cesse de gémir sur tes plaisirs. Maintenant j'en ai ma dose. Tu causes, tu causes comme un perroquet. Et moi je veux que tu t'envoles.

L'autre : Excuse, Marcel Marcelle, je maîtrise plus mes ouvertures. Si tu frappes encore tu me fractures.

L'un : T'as les tendons vraiment relax. T'es pas un cadeau, tout le monde le sait. Même ta mère me le disait.

L'autre : A moi aussi, elle le disait. Mais c'était bien quand elle me parlait. Je suis pas née pour le bouquet.

L'un : Tu grattes toujours sur ton passé. Ton passé qui est imparfait. Et devant moi, Nicole Mayekol, moi, qui veux t'apprendre le futur.

L'autre : Ne crie pas Marcel Marcelle. Ça ne change rien pour le présent.

L'un : Allez, je te dis, fifille, remue-toi. Lâche les basques du passé. Oublie tout pour un moment. Libère toi, ça va flotter.

L'autre : Si je pouvais... je le ferais. L'envie me vient et puis s'en va.

L'un : Tu le pourrais si tu le voulais. Vois la souris qui ronge le temps. Sors la poutre qui est dans ton œil, mets un tigre dans le moteur. Braque tes yeux sur mes pupilles. Figure-toi que je dégoupille.

L'autre : J'ose plus même te regarder. Dans tes yeux il y a des trésors. Mais c'est un jour de fermeture.

L'un : Ça coince un peu, mais c'est pas fermé. Tout est question de volonté. Tu vas trouver ta tasse de thé.

L'autre : Ma tasse de thé ... sans confiture et pain beurré.

L'un : On ne revient pas dans son passé. Salut, Nicole Mayekol. A demain pour m'accompagner.

L'autre : Laisse-moi le temps, laisse-moi le temps.

L'un : Il y a du soleil sur mes jonquilles.

JRM


 

LE TROU

 

A - Enfin, c'est là. Regarde le trou. Approche. Viens, viens plus près. Un dernier pas. Donne-moi la main.

B - Non, lâche-moi. La tête me tourne. Je ne peux pas.

A - Tu ne peux plus. Tu semblais d'accord, frère. Tu semblais prêt.

B - Il y a une trace de pied, là. Quelqu'un s'est retourné. C'est donc encore possible. La trace se poursuit par là. Il est remonté.

A - Il redescendra quand nous ne serons plus ici.

B - Comment peux-tu affirmer cela ?

A - Je l'ai vu, il marchait un peu avant nous. Il avait un manteau de pluie noir. C'était une silhouette cassée. La pente l'emportait vers ici. Il se laissait glisser. Nous sommes arrivés trop vite. Nous avons troublé sa solitude.

B - Peut-être qu'il a eu le vertige, comme moi ou un espoir nouveau... Là-haut, il y a un enfant qui rit devant un bol de chocolat et devant des tartines jaunes , il y a des mères aux seins roses généreux, qui s'agenouillent pour tendre des bonbons mous. 2, 3, 4 bougies sur un gâteau.

A- Et la mort du Père Noël...

B - Il a treize ans, il a vu devant son miroir un poil naissant à la base de son sexe. La barbe allait venir sur sa joue. Il serait un homme. Demain.

A- Un homme qui crache, qui viole qui pue. Un homme gluant, comme tous les autres.

B- Il a répondu au clin d'œil d'une fille rousse aux yeux verts qui frissonnait dans l'eau sous une caresse de mousse. Il a senti le contact de ses lèvres mouillées sur son corps brûlant. Une extase.

A - Il a senti le plaisir, une fois, la première fois. Il ne l'a jamais retrouvé.

B - Il se sont rencontrés sur un banc au lycée. C'était son frère. Il lui a ouvert son cœur. Tout dire et tout partager. Pouvoir pleurer, pouvoir rire. Il a connu le délire de la bière blonde et des Malboro.

A- Il lui a dit : je te comprends. Je suis ton frère.

B- Je suis ton frère, je te comprends.

A- Il lui a dit : là bas, il y a un trou.

B - Il lui a dit : "je ne peux monter. Je ne veux plus monter".

A - Il lui a dit : "Je suis ton frère, je te comprends"

B - Je t'offre un manteau.

A- Je t'offre un manteau

B- Tape là

A - Un manteau de pluie noir

B - Un manteau de frère.

A - Et ils ont pris la pente.

B - Donne- moi la main. Viens.

JRM


L'arbre

1- Vous m'aviez dit qu'il y avait un arbre.

2 - Un arbre.

1- Un arbre vert, là.

2 - Là.

1 - Ils le savaient, eux ?

2 - Certains.

1 - Cet endroit est vraiment désagréable. Humide !

2 - Ma fois, si vous le dites.

1 - Quand j'étais plus jeune, il y avait des arbres partout.

2 - Ah !

1- Je n'y faisais même pas attention . Et eux ?

2 - Certains font attention à tout. D'autres à rien.

1 - Je ne me sens pas très bien. C'est vide.

2 - Si vous voyiez l'arbre, maintenant, vous ne ne diriez pas que c'est vide.

1 - Non ... C'est sûr. Je serais comblé. J'ai tellement besoin d'un arbre. Je ferais attention à lui. ( Il peut fermer les yeux), à ces feuilles vertes et fragiles, à ces branches, à ce tronc, à cette racine égarée qui soulève la terre, près de cette fourmilière. J'en ferais le tour plusieurs fois pour profiter de l'ombre la plus épaisse. Le soleil fait mal aux yeux.

2 - Vous voyez, il est là l'arbre vert.

1 - Finalement on ne voit bien qu'avec le cœur. Ils le savaient eux ?

2- Certains.

1 - Ceux qui sont heureux ?

2 - C'est un mot que je n'aime pas.

1 - Regardez, il y a aussi ( l'acteur décrit son monde) . Regardez.

2 - Je suis trop loin . Je ne vois pas.

1- Approchez.

2 - Je ne peux pas. J'ai froid. Il pleut.

1 - Il pleut. Il ne se mouillent pas, eux ?

2 - Certains sont sous un arbre.

1 - Venez, là-bas, il y a un arbre pour vous.

JRM


Marie Vaudon va voir quelque chose.

Il

Tiens, regarde.

Elle

Non, non.

Il

Je te le montre maintenant.

Elle

Non , non, non, non

Il

Tu ne veux pas le voir ?

Elle

Si, j'aimerais bien, mais ...

Il

Mais, quoi ?

Elle

Plus tard, quand la nuit sera tombée.

Il

C'est dommage !

Elle

Tant pis . Je préfère plus tard

Il

Pourquoi

Elle

Je veux pas que tu me voies rougir.

Il

Rougir ! Mais ça doit pas te faire rougir !

Elle

Si, moi ça me fait rougir.

Il

Allez !... C'est pas énorme

Elle

Peut-être, mais ça me fait toujours quelque chose.

Il

Tu gâches ton plaisir. Et ça me fait de la peine.

Elle

Ça te fait vraiment de la peine ?

Il

Ben oui, j'ai envie de te faire plaisir tout de suite et ...

Elle

Et quoi ?

Il

J'ai peur que tu sois déçue .

Elle

Mais non. Les filles, tu sais, même un petit rien leur fait toujours plaisir.

Il

Allez, je te le montre maintenant.

Elle

D'accord, mais je ferme les yeux.

Il

Ouvre les yeux.

Elle

Mon dieu que c'est mignon.

Il

Tu aimes ?

Elle

Oh, oui, c'est tout petit, mais c'est vraiment joli.

Il

Je te le disais. J'avais peur que ça ne te plaise pas.

Elle

J'ai rougi ?

Lui

Même pas.

Elle

C'est bizarre, d'habitude je suis gênée.

Il

Peut-être parce que c'est pas grand-chose.

Elle

Pas grand-chose ! C'est toi qui le dis.

Elle

Viens, je vais te montrer quelque chose à toi.

 

JRM


 

Partage

A- Mon cor me fait mal. Très mal. Très mal encore.

B- Mon corps me fait mal. Très mal. Très mal encore.

A- Nous souffrons atrocement. Quelle misère, la souffrance humaine !

B- Il vous brûle ?

A- Oui.

B- Il vous tord ?

A- Oui.

B- Il vous ronge ?

A- Oui, c'est une torture profonde. Je dirais "lancinante".

B- Exactement ! lancinante. Comment en finir ?

A- Je ne sais pas; je ne sais plus que faire.

B- Partir !

A.- Où ? Je ne peux pas . Parlons plutôt de nos misères. Échangeons des points de vue. La solution peut nous sauter aux yeux...

B- Oh ! Vous avez dit "sauter", comme c'est bizarre ! J'avais ce mot au bout de la langue. J'allais vous demander justement, à l'instant, si sauter serait une solution pour vous ou pour moi.

A- Sauter ?

B- Oui, sauter dans le vide...

A- Dans le vide ? Pourquoi pas ! On dit que "sauter" peut apporter un soulagement vertébral voire cérébral. Mais pour le pied ce n'est pas garanti. Quoique, des investigations scientifiques ont démontré que "sauter", pour la femelle, peut participer à l'assouplissement général corporel. Certaines sautent à la corde. Chez le mâle, le mal est plus résistant. Il faudrait lui-aussi qu'il saute mais il faudrait qu'il en soit empêché en même temps, par une force réactive, contraire à la direction du saut. afin de provoquer une traction violente tout à fait bénéfique pour la masse musculaire et osseuse.

B - S'offrir aux vents. S'étirer dans toutes les directions de l'espace. Et ensuite se rompre. Se disloquer. Éclater son corps. Effectivement, c'est une tentation.

A - L'ami, il faut ce qu'il faut. Étirer un corps ce n'est pas tordre un cou. Pesez la différence. Faites la part des choses. Sachez que la fin justifie les moyens ! enfin ! Une grosse, par exemple, qui a un réel problème pondéral, elle n'hésite pas à se contraindre, à se martyriser: elle se la saute régulièrement. Un jeûne par ci, un jeûne par là.

B- Vous avez raison, il faut ce qu'il faut. Nous nous sommes compris. Parler, c'est partager. La misère est commune. Donnez-moi la main. ( A tend la main et commence à s'étirer. )

A - (marque un étonnement bref puis. ... ) Quel soulagement.

B- Plus fort. Plus fort. Plus fort. Plus fort. Encore. (Ils tombent)

C- En voici deux... d'accord.

D- Deux comme tous les autres. D'accord et soulagés.

C- D'accord. A nous maintenant.

 

JRM