Dominique Bagouet

1 Son contexte

(1951 /1992)

- Avoir la trentaine en 1980 c'est avoir connu le conflit des générations : la rupture entre les "vieux " et les " jeunes " tout à coup institués en " classe sociale " par la loi du nombre, par une musique, le rock, par un mode de vie étasunisé.

Jean, baskets, mini jupe et cheveux longs sont des modes de reconnaissance.

- C'est aussi avoir connu « le temps des copains », des yéyés.

- Le design reprend certaines valeurs du Bauhaus.

- Libérée de nombreux interdits d'autorité et de tabous judéo-chrétiens, la jeunesse affirme une soif de consommation de plaisirs immédiats.

- Le confort domestique est à sa portée, la télévision a envahi les foyers.

Des éditions de Poche vulgarisent une littérature porteuse de mythes, de dynamisme, de paix et de liberté.

Dominique lit : Sylvie Germain et Christine Lemoine

Dominique « va au Ciné ».

La BD explose, devient la littérature de la jeunesse. La BD c'est : Bob et Bobette, Tartine, Pilote, Blake et Mortimer de Jacob.

- La télévision consacre plusieurs programmes hebdomadaires aux " jeunes ".

- L'espace s'est rétréci avec l'accroissement des moyens de transport et leur célérité.

En moins de quatre heures, le mythique Concorde offre l'Amérique.

- L'accès aux études prolonge la période d'adolescence.

- Espoir de jours meilleurs, d'ascension sociale : la lune est à portée de main : l'homme y a posé le pied.

- Andy Warhol, peut-être plus que Lichtenstein est l'artiste reconnu A Nice Ben se déchaîne. Boltanski étonne avec ses installations et ses photos. Fluxus est en France.

- Le Pop-Art et le Récup-Art directement issus de la société de consommation trouvent une résonance directe mais ne sont jamais exploités dans leurs formes figuratives.

Les couleurs "flashent" comme la Vie.

 

2 Sa formation

- Dominique a plongé dans cette atmosphère avec facilité. Il est aimé ; ses parents possèdent une usine. Son frère plus âgé lui ouvre la route.

- La danse est dès son jeune âge une passion.

 

Formation classique : Rosella Hightower (mais aussi une passion pour le cours de Mime)

Interprète au Théâtre de Genève du répertoire Balanchine

Interprète dans la Compagnie Félix Blaska à Paris

Elève de Béjart à Bruxelles(le Mudra)

Rencontre et Stage avec Carolyn Carlson.

En 1974, il est à Paris. Il a son studio sur les bords du canal de l'Ourcq et continue sa formation.

" cours avec Peter Goss (technique Limon)

" participation au Groupe de Recherche de Carolyn Carlson à l'Opéra de Paris.

Il séjourne un an à New York

" Cours de technique Limon (avec Jenny Muller)

" Cours de classique avec l'incontournable Maggie Black.

De retour à Paris en 76, il vise le concours de Bagnolet qu'il gagne en 1977.

Repéré avec « Chansons de Nuit », il est invité au Festival novateur de danse en Avignon où il crée « Endenich ».

Il fonde sa Compagnie et s'y retrouvent certains danseurs de Blaska.

Découverte du travail de Nikolais (1978) (La Chartreuse. Villeneuve-lez-Avignon)

Il fait partie des " chorégraphes des années 80 : (Gallota, Saporta, Decouflé, Marin, Chopinot, Larrieu).

Ceux qu'on appelle ainsi sont :

- Tous ceux qui ont été « médiatisés » parce qu'ils ont rendu spectaculaire leur danse … (et serait à définir ce qui « plaît » aux medias )

- tous ceux pour qui jonglent sans complexe avec les 3 balles définitivement et grossièrement identifiées : baroque, classique et contemporain.

- tous ceux qui jonglent en prenant des risques dans une perspective dynamique d'invention.

 

Appartient aux chorégraphes non figuratifs

'. Il n'y a pas de théâtralité, pas de narration. Mais le sens est toujours là.

3 Sa danse

 

Sa danse se veut la danse d'une génération, une danse nouvelle qui refuse toute appartenance mais qui se saisit de tout, une danse qui se cherche, qui explore des possibles.

Et pourtant à travers l'œuvre hétérogène un "style " Bagouet peut se définir.

a) Elle est Humaine : " Je ne veux pas des danseurs mais des femmes et des hommes " Il est l'un des premiers à faire danser de fortes corpulences.

Après son installation au centre chorégraphique de Montpellier (1980) il veut vulgariser la danse dans la ville et la faire partager : il organise autour des spectacles des lectures-démonstrations.

Elle « fait du bien » mais elle n'est pas « facile » : la technicité exceptionnelle des danseurs recrutés est entretenue, voire améliorée par des cours techniques réguliers appropriés aux besoins. Elle n'est jamais un « formatage » qui bloquerait l'interprétation et les capacités peronnelle du danseur.

b)Elle refuse les extrêmes : rien n'est excessif , le geste est toujours retenu. Peu ou pas de chutes au sol, de reptation.

c) Elle est énergique. Le haut du corps est dans une dynamique de "swing" (mobilité des bras, élans, suspensions, ouverture des omoplates) et en contraste avec un fort ancrage au sol des appuis. Le corps est placé jusqu'au bassin (comme en danse classique)

L'énergie circule entre le haut du corps (élans) et les ancrages. au sol : le sol est repoussé pour que le mouvement soit renvoyé vers le haut puis retombe (se dépose) sur le sol.

Tension et relâchement s'opèrent sur tous les plans (haut/bas, avant arrière)

d) Elle est précise : travail particulièrement nuancé des articulations (coudes ; poignets, chevilles), souvent avec isolation. Tout ce qui n'est pas engagé dans le mouvement est relâché (économie de tension) Mais aussi précision des directions et des postures dans l'espace.

e) Elle est inscrite dans un parcours : Bagouet dessine avec précision des parcours, travaille avec l'espace. (certaines danses sont fondées sur le dessin d'une étoile, d'une montagne)

f) Le regard occupe une place essentielle : il s'agit d'un regard habité qui pèse sur l'espace, prend le temps de le percevoir, se pose.

g) Elle respecte les temps musicaux (souvent parcours en canon). La musicalité du mouvement est dans la continuité des gestes qui, bien que dissociés, sont en liaison ( il n'y a pas de blanc). Mais elle exulte aussi dans les moments de silence qui hantent quasiment toutes ses pièces.

g) Elle est constituée de gestes inspirés de la bande dessinée ou de l'enfance (cf. la danse des Chèvres (arbalète, vivats, angelots…) qui lui donnent un caractère puéril, enjoué. Clin d'œil permanent à la culture de la jeunesse, à ses couleurs, à ses rythmes, à son énergie.

Les effets de surprise, l'inattendu, le mouvement, la précision et l'importance du geste expliquent l'appellation de chorégraphe " baroque " (le terme d'ailleurs de " manièriste" conviendrait mieux. au sens où il se définit comme " l'art de cour" c'est-à-dire une tendance vers le raffinement, le détail, la visibilité des lignes complexes, compliquées et pourtant de nature purement géométriques. A savoir que "plus le mouvement est petit, plus l'intention est grande".

Elle est née de la générosité : dans la Compagnie, tout le monde enseigne, propose. Il sélectionne à partir des propositions et en même temps il aide le danseur à proposer.

L'improvisation ne sert qu'à un moment de la création : il demande aux danseurs de proposer des mouvements à partir très souvent de consignes imagées (Dans Necessito " Grenada : les jardins de l'Alambra : " tu vas me refaire les arbres "

Une fois la sélection effectuée la danse est définitivement écrite rendant possible la stricte reprise de rôle.

Bagouet est influencé pour l'écriture par le courant minimaliste en accord avec ce qui chez lui est de l'ordre de la netteté des parcours (forme géométrique simple, ou répétée) mais la complexité est donnée par la multitude de parcours, décalés dans le temps.

4 So Schnell (Si vite)

chorégraphié en ce qui concerne la 1 ère version en 1986 (Bagouet vient d'apprendre sa séropositivité).Pour la première fois on lui offre un immense espace (grand plateau)

Il utilise la Cantate de Bach " qu'il avait en réserve " et utilise aussi les bruits de machines des métiers Jacquard de l'entreprise familiale.

L'œuvre est en grande partie autobiographique.

Elle reprend de nombreuses " citations " des œuvres précédentes.

Dans la première version a 14 danseurs : il intègre des jeunes en formation (avec de la technique toutefois)

Deuxième version : 12 danseurs choisis par audition.

Il ne peut plus venir au Studio après avoir posé les bases de la chorégraphie. Anne Abeille lui apporte les vidéos.

Il meurt l'année de la 2e version (1992)

 

La Compagnie honore les contrats jusqu'en 93

De nombreux chorégraphes actuels ont dansé dans sa compagnie : Decouflé, Glandier (décédé en 2000), Michèle Rust, Chopinot, Olivia Grandville, Rita Ciofi.

Les Carnets Bagouet s'interrogent sur son œuvre inachevé, qu'il n'a pas eu le temps de théoriser, assure la passation, la transmission de sa danse. Après la disparition de Dominique Bagouet en 1992, quelques-uns de ses danseurs et de ses proches ont créé une association, « Les Carnets Bagouet » afin de sauvegarder son œuvre et de rassembler le maximum d'archives. Ces archives (de 1976 à 1993) sont maintenant déposées à l'Institut, mémoires de l'édition contemporaine, afin d'y être traitées.

Il appréciait William Forsythe et Trisha Brown (dont il avait invité la compagnie)

A partir de Neccessito, il semblait vouloir engager ses danseurs dans une formation de comédien.

Les créations de Bagouet montrent un large inventaire de possibles. C'est une œuvre de recherche. Une œuvre de jeunesse en terme de « vie » ou de « vitalité ».

Collaboration culturelle : So Schnell de Dominique Bagouet

le Pop Art et surtout Warhol, Lichtenstein

Le design… l'objet industriel à la chaîne

Le rôle du passé, de l'intime : Boltanski ( Arts plastiques)

Jean Rouaud ( Romans travail de deuil, mémoire et méditation sur le temps) Proust et Emmanuel Bove ( adaptation " meublé sommairement "

Le groupe et l'individu ( exclusion, différence)

La musique : collaboration avec Dusapin et Tristan Murail

Le sida et la mort

La bande dessinée

le traitement du temps ( chez Proust)