Matisse : le cygne.

Vinci : Léda et le cygne

 

Le Sonnet Du Cygne...

 

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui

Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre

Ce lac dur oublié que hante sous le givre

Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !

 

Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui

Magnifique mais qui sans espoir se délivre

Pour n'avoir pas chanté la région où vivre

Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.

 

Tout son col secouera cette blanche agonie

Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,

Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.

 

Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,

Il s'immobilise au songe froid de mépris

Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.

 

STEPHANE MALLARMÉ (1842-1898)

 

 

Les Torts du Cygne

Comme le Cygne allait nageant

Sur le lac au miroir d'argent,

Plein de fraîcheur et de silence,

Les Corbeaux noirs, d'un ton guerrier,

5 Se mirent à l'injurier

En volant avec turbulence.

 

Va te cacher, vilain oiseau!

S'écriaient-ils. Ce damoiseau

Est vêtu de lys et d'ivoire!

10 Il a de la neige à son flanc!

Il se montre couvert de blanc

Comme un paillasse de la foire!

 

Il va sur les eaux de saphir,

Laid comme une perle d'Ophir,

15 Blanc comme le marbre des tombes

Et comme l'aubépine en fleur!

Le fat arbore la couleur

Des boulangers et des colombes!

 

Pour briller sur ce promenoir,

20 Que n'a-t-il adopté le noir!

Un fait des plus élémentaires,

C'est que le noir est distingué.

C'est propre, c'est joli, c'est gai;

C'est l'uniforme des notaires.

 

25 Cuisinier, garde ton couteau

Pour ce Gille, cher à Wateau!

Accours! et moi-même que n'ai-je

Le bec aigu comme un ciseau

Pour percer le vilain oiseau

30 Barbouillé de lys et de neige!

 

Tel fut leur langage. A son tour

Dans les cieux parut un Vautour

Qui s'en vint déchirer le Cygne

Ivre de joie et de soleil;

35 Et sur l'onde son sang vermeil

Coula comme une pourpre insigne.

 

Alors, plus brillant que l'Oeta

Ceint de neige, l'oiseau chanta,

L'oiseau que sa blancheur décore;

40 Il chanta la splendeur du jour,

Et tous les antres d'alentour

S'emplirent de sa voix sonore.

 

Et l'Alouette dans son vol,

Et la Rose et le Rossignol

45 Pleuraient le Cygne. Mais les Anes

S'écrièrent avec lenteur:

Que nous veut ce mauvais chanteur?

Nous avons des airs bien plus crânes.

 

Il chantait toujours. Et les bois

50 Frissonnants écoutaient la voix

Pleine d'hymnes et de louanges.

Alors, d'autres êtres ailés

Traversèrent les cieux voilés

D'azur. Ceux-là, c'étaient des Anges.

 

55 Ces beaux voyageurs, sans pleurer,

Regardaient le Cygne expirer

Parmi sa pourpre funéraire,

Et, vers l'oiseau du flot obscur

Tournant leur prunelle d'azur,

60 Ils lui disaient: Bonsoir, mon frère.

Banville Décembre 1861.

 

Le cygne (A Victor Hugo.)

 

I

Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve,

Pauvre et triste miroir où jadis resplendit

L'immense majesté de vos douleurs de veuve,

Ce Simoïs menteur qui par vos pleurs grandit,

 

A fécondé soudain ma mémoire fertile,

Comme je traversais le nouveau Carrousel.

Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville

Change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel) ;

 

Je ne vois qu'en esprit, tout ce camp de baraques,

Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,

Les herbes, les gros blocs verdis par l'eau des flaques,

Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus.

 

Là s'étalait jadis une ménagerie ;

Là je vis, un matin, à l'heure où sous les cieux

Froids et clairs le travail s'éveille, où la voirie

Pousse un sombre ouragan dans l'air silencieux,

 

Un cygne qui s'était évadé de sa cage,

Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,

Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.

Près d'un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec

 

Baignait nerveusement ses ailes dans la poudre,

Et disait, le coeur plein de son beau lac natal :

" Eau, quand donc pleuvras-tu ? quand tonneras-tu, foudre ? "

Je vois ce malheureux, mythe étrange et fatal,

 

Vers le ciel quelquefois, comme l'homme d'Ovide,

Vers le ciel ironique et cruellement bleu,

Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,

Comme s'il adressait des reproches à Dieu !

 

II

 

Paris change ! mais rien dans ma mélancolie

N'a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,

Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,

Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.

 

Aussi devant ce Louvre une image m'opprime :

Je pense à mon grand cygne, avec ses gestes fous,

Comme les exilés, ridicule et sublime,

Et rongé d'un, désir sans trêve ! et puis à vous,

 

Andromaque, des bras d'un grand époux tombée,

Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus,

Auprès d'un tombeau vide en extase courbée ;

Veuve d'Hector, hélas! et femme d'Hélénus !

 

Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique,

Piétinant dans la boue, et cherchant, l'oeil hagard,

Les cocotiers absents de la superbe Afrique

Derrière la muraille immense du brouillard ;

 

A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve

Jamais, jamais ! à ceux qui s'abreuvent de pleurs

Et tètent la douleur comme une bonne louve !

Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs !

 

Ainsi dans la forêt où mon esprit s'exile

Un vieux Souvenir sonne à plein souffle du cor !

Je pense aux matelots oubliés dans une île,

Aux captifs, aux vaincus !... à bien d'autres encor !

Charles BAUDELAIRE (1821-1867) (Recueil : Les fleurs du mal)

 

Le Cygne et le Cuisinier

 

Dans une ménagerie

De volatiles remplie

Vivaient le Cygne et l'Oison :

Celui-là destiné pour les regards du maître ;

Celui-ci, pour son goût : l'un qui se piquait d'être

Commensal du jardin, l'autre, de la maison.

Des fossés du Château faisant leurs galeries,

Tantôt on les eût vus côte à côte nager,

Tantôt courir sur l'onde, et tantôt se plonger,

Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies.

Un jour le Cuisinier, ayant trop bu d'un coup,

Prit pour Oison le Cygne ; et le tenant au cou,

Il allait l'égorger, puis le mettre en potage.

L'oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage.

Le Cuisinier fut fort surpris,

Et vit bien qu'il s'était mépris.

"Quoi ? je mettrois, dit-ilj un tel chanteur en soupe !

Non, non, ne plaise aux Dieux que jamais ma main coupe

La gorge à qui s'en sert si bien! "

Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe

Le doux parler ne nuit de rien.

Jean de LA FONTAINE (1621-1695)

 

Un cygne avance sur l'eau

A swan moves over the water,

 

tout entouré de lui-même,

surrounded by itself,

 

comme un glissant tableau;

like a gliding tableau.

 

ainsi à certains instants

Thus the beloved

 

un être que l'on aime

is sometimes

 

est tout un espace mouvant.

a moving space.

 

Il se rapproche, doublé,

He draws near, duplicated

 

comme ce cygne qui nage,

like the swimming swan,

 

sur notre âme troublée...

to our troubled soul ....

 

qui à cet être ajoute

which adds

 

la tremblante image

the trembling image

 

de bonheur et de doute.

of joy and doubt.

 

Maria Rike (1875/1926)

 

LE CYGNE

Quand, sur le flot qui s'élance

Et danse

En rythme léger,

Le cygne blanc, les ailes dans la brise

Exquise,

Las s'en vient nager;

 

Son aile blanche au fil de l'onde

Profonde

Se baigne en rêvant,

Et sur le flot miroir d'éblouissance

Balance

Une barque de vent.

MIHAI EMINESCU

Poèmes posthumes Traduits du roumain et préfacés par Michel Wattremez

 

Le chant du cygne

Il trouble les reflets qui recouvrent son monde,

Fait sillage d'un élan qui bouleverse les ondes

Et trace les frontières de sa carte du tendre ;

Il noue des entrelacs, se perd dans les méandres

Des amours de surface, sous le ciel vide et nu ;

Avance son grand cou blanc vers la terre inconnue.

Il joue à vivre un peu et à aimer beaucoup,

Caresse son image et penche son long cou.

Il croise dans les eaux de la fidélité

Par les femmes et les hommes de longtemps désertées ;

Il glisse silencieux, si léger qu'on croirait

Une plume, un fétu, un soir du mois de mai.

Mais l'hiver se rapproche et hier je l'ai vu

Une dernière fois qui passait en revue

Ses amours, ses tendresses et ses espoirs, hélas!

… Avancer lentement dans les eaux qui le glacent.

Et les premier flocons l'ont rendu invisible ;

Puis j'ai cru discerner un chant à peine audible

Lorsque probablement le piège s'est resserré,

Qu'il a jeté au ciel son cri désespéré.

Et sa tête posée sur son aile figée,

Ayant vu, ayant cru, ayant enfin chanté

Son amour d'une vie pourtant désenchantée,

J'imagine qu'il mourut, épuisé de nager.

 

Jean-Marin SERRE ( Poète contemporain)

 

Il glisse sur le bassin, comme un traîneau blanc, du

nuage en nuage. Car il n'a faim que des nuages floconneux

qu'il voit naître, bouger, et se perdre dans l'eau. C'est

l'un d'eaux qu'il désire. Il le vise du bec, et il plonge

tout à coup son vol vêtu de neige. Puis, tel un bras de

femme sort d'une manche, il le retire. Il n'a rien. Il

regarde: les nuages effarouchés ont disparu. Il ne reste

qu'un instant désabusé, car les nuages tardent peu à

revenir, et, là-bas, où meurent les ondulations de l'eau,

en voici un qui se reforme. Doucement, sur son léger

coussin de plumes, le cygne rame et s'approche . . . Il

s'épuise à pêcher de vains reflets, et peut-être qu'il

mourra, victime de cette illusion, avant d'attraper un

seul morceau de nuage. Mais qu'est-ce que je dis? Chaque

fois qu'il plonge, il fouille du bec la vase nourrissante

et ramène un ver. Il engraisse comme une oie.

Jules Renard (1864-1910)

 

Un jour, un roi chassait dans une grande forêt. Et il y mettait tant de coeur que personne, parmi ses gens, n'arrivait à le suivre. Quand le soir arriva, il s'arrêta et regarda autour de lui. Il s'aperçut qu'il avait perdu son chemin. Il chercha à sortir du bois, mais ne put y parvenir. Il vit alors une vieille femme au chef branlant qui s'approchait de lui. C'était une sorcière.

- Chère dame , lui dit-il , ne pourriez-vous pas m'indiquer le chemin qui sort du bois ?

- Oh ! si, monsieur le roi, répondit-elle. je le puis. Mais à une condition. Si vous ne la remplissez pas, vous ne sortirez jamais de la forêt et vous y mourrez de faim.

- Quelle est cette condition ? demanda le roi.

- J'ai une fille, dit la vieille, qui est si belle qu'elle n'a pas sa pareille au monde. Elle mérite de devenir votre femme. Si vous en faites une reine, je vous montrerai le chemin.

Le roi avait si peur qu'il accepta et la vieille le conduisit vers sa petite maison où sa fille était assise au coin du feu. Elle accueillit le roi comme si elle l'avait attendu et il vit qu'elle était vraiment très belle. Malgré tout, elle ne lui plut pas et ce n'est pas sans une épouvante secrète qu'il la regardait. Après avoir fait monter la jeune fille auprès de lui sur son cheval, la vieille lui indiqua le chemin et le roi parvint à son palais où les noces furent célébrées.

Le roi avait déjà été marié et il avait eu de sa première femme sept enfants, six garçons et une fille, qu'il aimait plus que tout au monde. Comme il craignait que leur belle-mère ne les traitât pas bien, il les conduisit dans un château isolé situé au milieu d'une forêt. Il était si bien caché et le chemin qui y conduisait était si difficile à découvrir qu'il ne l'aurait pas trouvé lui-même si une fée ne lui avait offert une pelote de fil aux propriétés merveilleuses. Lorsqu'il la lançait devant lui, elle se déroulait d'elle-même et lui montrait le chemin. Le roi allait cependant si souvent auprès de ses chers enfants que la reine finit par remarquer ses absences. Curieuse, elle voulut savoir ce qu'il allait faire tout seul dans la forêt. Elle donna beaucoup d'argent à ses serviteurs. Ils lui révélèrent le secret et lui parlèrent de la pelote qui savait d'elle-même indiquer le chemin. Elle n'eut de cesse jusqu'à ce qu'elle eût découvert où le roi serrait la pelote. Elle confectionna alors des petites chemises de soie blanche et, comme sa mère lui avait appris l'art de la sorcellerie, elle y jeta un sort. Un jour que le roi était parti à la chasse, elle s'en fut dans la forêt avec les petites chemises. La pelote lui montrait le chemin. Les enfants, voyant quelqu'un arriver de loin, crurent que c'était leur cher père qui venait vers eux et ils coururent pleins de joie à sa rencontre. Elle jeta sur chacun d'eux l'une des petites chemises et, aussitôt que celles-ci eurent touché leur corps, ils se transformèrent en cygnes et s'envolèrent par-dessus la forêt. La reine, très contente, repartit vers son château, persuadée qu'elle était débarrassée des enfants. Mais la fille n'était pas partie avec ses frères et ne savait pas ce qu'ils étaient devenus.

Le lendemain, le roi vint rendre visite à ses enfants. Il ne trouva que sa fille.

- Où sont tes frères ? demanda-t-il.

- Ah ! cher père, répondit-elle, ils sont partis et m'ont laissée toute seule.

Elle lui raconta qu'elle avait vu de sa fenêtre comment ses frères transformés en cygnes étaient partis en volant au-dessus de la forêt et lui montra les plumes qu'ils avaient laissé tomber dans la cour. Le roi s'affligea, mais il ne pensa pas que c'était la reine qui avait commis cette mauvaise action. Et comme il craignait que sa fille ne lui fût également ravie, il voulut l'emmener avec lui. Mais elle avait peur de sa belle-mère et pria le roi de la laisser une nuit encore dans le château de la forêt.

La pauvre jeune fille pensait : " je ne resterai pas longtemps ici, je vais aller à la recherche de mes frères. " Et lorsque la nuit vint, elle s'enfuit et s'enfonça tout droit dans la forêt. Elle marcha toute la nuit et encore le jour suivant jusqu'à ce que la fatigue l'empêchât d'avancer. Elle vit alors une hutte dans laquelle elle entra ; elle y trouva six petits lits. Mais elle n'osa pas s'y coucher. Elle se faufila sous l'un deux, s'allongea sur le sol dur et se prépara au sommeil. Mais, comme le soleil allait se coucher, elle entendit un bruissement et vit six cygnes entrer par la fenêtre. Ils se posèrent sur le sol, soufflèrent l'un sur l'autre et toutes leurs plumes s'envolèrent. Leur peau apparut sous la forme d'une petite chemise. La jeune fille les regarda bien et reconnut ses frères. Elle se réjouit et sortit de dessous le lit. Ses frères ne furent pas moins heureux qu'elle lorsqu'ils la virent. Mais leur joie fut de courte durée.

- Tu ne peux pas rester ici, lui dirent-ils, nous sommes dans une maison de voleurs. S'ils te trouvent ici quand ils arriveront, ils te tueront.

- Vous ne pouvez donc pas me protéger ? demanda la petite fille.

- Non ! répondirent-ils, car nous ne pouvons quitter notre peau de cygne que durant un quart d'heure chaque soir et, pendant ce temps, nous reprenons notre apparence humaine. Mais ensuite, nous redevenons des cygnes.

La petite fille pleura et dit :

- Ne pouvez-vous donc pas être sauvés ?

- Ah, non, répondirent-ils, les conditions en sont trop difficiles. Il faudrait que pendant six ans tu ne parles ni ne ries et que pendant ce temps tu nous confectionnes six petites chemises faites de fleurs. Si un seul mot sortait de ta bouche, toute ta peine aurait été inutile.

Et comme ses frères disaient cela, le quart d'heure s'était écoulé et, redevenus cygnes, ils s'en allèrent par la fenêtre.

La jeune fille résolut cependant de sauver ses frères, même si cela devait lui coûter la vie. Elle quitta la hutte, gagna le centre de la forêt, grimpa sur un arbre et y passa la nuit. Le lendemain, elle rassembla des fleurs et commença à coudre. Elle n'avait personne à qui parler et n'avait aucune envie de rire. Elle restait assise où elle était et ne regardait que son travail. Il en était ainsi depuis longtemps déjà, lorsqu'il advint que le roi du pays chassa dans la forêt et que ses gens s'approchèrent de l'arbre sur lequel elle se tenait . Ils l'appelèrent et lui dirent :

- Qui es-tu ?

Elle ne répondit pas.

- Viens, lui dirent-ils, nous ne te ferons aucun mal.

Elle secoua seulement la tête. Comme ils continuaient à la presser de questions, elle leur lança son collier d'or, espérant les satisfaire. Mais ils n'en démordaient pas. Elle leur lança alors sa ceinture ; mais cela ne leur suffisait pas non plus. Puis sa jarretière et, petit à petit, tout ce qu selle avait sur elle et dont elle pouvait se passer, si bien qu'il ne lui resta que sa petite chemise. Mais les chasseurs ne s'en contentèrent pas. Ils grimpèrent sur l'arbre, se saisirent d'elle et la conduisirent au roi. Le roi demanda :

- Qui es-tu ? Que fais-tu sur cet arbre ?

Elle ne répondit pas. Il lui posa des questions dans toutes les langues qu'il connaissait, mais elle resta muette comme une carpe. Comme elle était très belle, le roi en fut ému et il s'éprit d'un grand amour pour elle. Il l'enveloppa de son manteau, la mit devant lui sur son cheval et l'emmena dans son château. Il lui fit donner de riches vêtements et elle resplendissait de beauté comme un soleil. Mais il était impossible de lui arracher une parole. A table, il la plaça à ses côtés et sa modestie comme sa réserve lui plurent si fort qu'il dit :

- Je veux l'épouser, elle et personne d'autre au monde.

Au bout de quelques jours, il se maria avec elle. Mais le roi avait une mère méchante, à laquelle ce mariage ne plaisait pas. Elle disait du mal de la jeune reine. " Qui sait d'où vient cette folle, disait-elle. Elle ne sait pas parler et ne vaut rien pour un roi. " Au bout d'un an, quand la reine eut un premier enfant, la vieille le lui enleva et, pendant qu'elle dormait, elle lui barbouilla les lèvres de sang. Puis elle se rendit auprès du roi et accusa sa femme d'être une mangeuse d'hommes. Le roi ne voulut pas la croire et n'accepta pas qu'on lui lit du mal. Elle, cependant, restait là, cousant ses chemises et ne prêtant attention à rien d'autre. Lorsqu'elle eut son second enfant, un beau garçon, la méchante belle-mère recommença, mais le roi n'arrivait pas à la croire. Il dit : " Elle est trop pieuse et trop bonne pour faire pareille chose. Si elle n'était pas muette et pouvait se défendre, son innocence éclaterait. " Mais lorsque la vieille lui enleva une troisième fois son enfant nouveau-né et accusa la reine qui ne disait pas un mot pour sa défense, le roi ne put rien faire d'autre que de la traduire en justice et elle fut condamnée à être brûlée vive.

Quand vint le jour où le verdict devait être exécuté, c'était également le dernier des six années au cours desquelles elle n'avait le droit ni de parler ni de rire et où elle pourrait libérer ses frères chéris du mauvais sort. Les six chemises étaient achevées. Il ne manquait que la manche gauche de la sixième. Quand on la conduisit à la mort, elle plaça les six chemises sur son bras et quand elle fut en haut du bûcher, au moment où le feu allait être allumé, elle regarda autour d'elle et vit que les six cygnes arrivaient en volant. Elle comprit que leur délivrance approchait et son coeur se remplit de joie. Les cygnes s'approchèrent et se posèrent auprès d'elle de sorte qu'elle put leur lancer les chemises. Dès qu'elles les atteignirent, les plumes de cygnes tombèrent et ses frères se tinrent devant elle en chair et en os, frais et beaux. Il ne manquait au plus jeune que le bras gauche. À la place, il avait une aile de cygne dans le dos. Ils s'embrassèrent et la reine s'approcha du roi complètement bouleversé, commença à parler et dit :

- Mon cher époux, maintenant j'ai le droit de parler et de te dire que je suis innocente et que l'on m'a faussement accusée.

Et elle lui dit la tromperie de la vieille qui lui avait enlevé ses trois enfants et les avait cachés. Pour la plus grande joie du roi, ils lui furent ramenés et, en punition, la méchante belle-mère fut attachée au bûcher et réduite en cendres. Pendant de nombreuses années, le roi, la reine et ses six frères vécurent dans le bonheur et la paix.

 

Grimm

 

 

Le chant du cygne ou la mort selon Socrate

L'expression "le chant du cygne", qui nous vient de la plus haute Antiquité grecque, est toujours utilisée pour désigner, par exemple, un discours ou un récital d'adieu. Dans la bouche de Socrate, elle prend une valeur sacrée. Représentons-nous ce sage dans sa prison d'Athènes, où il vient d'apprendre qu'il est condamné à mort pour impiété. Les amis qui l'entourent aimeraient bien l'entendre une dernière fois parler de la connaissance de soi et de l'immortalité de l'âme, mais ils n'osent pas le lui demander, de peur de l'importuner dans ses derniers instants. Voici l'aimable reproche que leur adresse Socrate:

"Selon vous, je ne vaux donc pas les cygnes pour la divination; les cygnes qui, lorsqu'ils sentent qu'il leur faut mourir, au lieu de chanter comme auparavant, chantent à ce moment davantage et avec plus de force, dans leur joie de s'en aller auprès du Dieu dont justement ils sont les serviteurs. Or les hommes, à cause de la crainte qu'ils ont de la mort, calomnient les cygnes, prétendent qu'ils se lamentent sur leur mort et que leur chant suprême a le chagrin pour cause; sans réfléchir que nul oiseau ne chante quand il a faim ou soif ou qu'un autre mal le fait souffrir; pas même le rossignol, ni l'hirondelle, ni la huppe, eux dont le chant, dit-on, est justement une lamentation dont la cause est une douleur. Pour moi cependant, la chose est claire, ce n'est pas la douleur qui fait chanter, ni ces oiseaux, ni les cygnes. Mais ceux-ci, en leur qualité, je pense, d'oiseaux d'Apollon, ont le don de la divination et c'est la préscience des biens qu'ils trouveront chez Hadès qui, ce jour-là, les fait chanter et se réjouir plus qu'ils ne l'ont jamais fait dans le temps qui a précédé. Et moi aussi, je me considère comme partageant la servitude des cygnes et comme consacré au même Dieu; comme ne leur étant pas inférieur non plus pour le don de divination que nous devons à notre Maître; comme n'étant pas enfin plus attristé qu'eux de quitter la vie!"

 

Iconographie ( peinture)

Letor Patrick : le cygne

Vinci : léda et le cygne

Matisse : Le cygne

Hayes Dadid : Le Cygne

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cygne

Le cygne : se dit en grec Kyknos et en latin cygnus.

Cet animal est le symbole suprême de la pureté et de la noblesse du fait de son long cou flexible et de la blancheur immaculée de son plumage. On le rattache surtout à Apollon (dont on dit qu'il était vénéré entre autre par le peuple nordique hyperboréen). La légende dit que l'animal fut présent à la naissance du Dieu et qu'il le porta dans les airs peu après. La puissance du Dieu lui aurait transmis des dons de prophétie au quel se réfère le célèbre " chant du cygne ". Le chant est aussi le symbole de l'union amoureuse qui parvient à son maximum. D'ailleurs cet animal peut avoir une valeur aussi bien masculine que féminine, recelant en lui une très forte potentialité d'androgynie. Ceci étant illustré par la croyance germanique que les vierges pouvaient se métamorphoser en cygne afin de pouvoir prophétiser. Par ailleurs la mythologie germanique associait l'oiseau au dieu de la prospérité " Freyr " et aux walkyries, messagères des dieux et qui accueillaient au Walhalla les guerriers morts au combat. Le cygne qui vivrait plusieurs siècles fut aussi un oiseau vénéré en Europe du Nord et en Sibérie. Sa capacité de flotter sur les mers les plus agitées en faisait un porte-bonheur pour les marins. Enfin, à l'époque chrétienne il devint l'emblème du sauveur agonisant et gémissant sur la croix.

 

La constellation du cygne :

Cygne (le) (Cygnus)Le Cygne : Il y a deux histoires principales associées à cette constellation. La première se rapporte à Zeus, le roi des dieux. Zeus aima beaucoup de différents êtres comprenant, hommes, femmes, et animaux. Dans cette histoire, il est tombé amoureux de la belle Leda, la fille de Thestius, roi d'Aetolia (situé dans la Grèce centrale), qui était marié également au Roi spartiate Tyndareus. Comme toujours, il voulait ce qu'il y avait de meilleur et de plus beau. Il savait, de ses expériences antérieures qu'un déguisement était très efficace pour l'approche de l'objet de son désir. Il se déguisa donc en beau cygne blanc et vola tout près d'elle. Leda remarqua le beau cygne, et joua avec lui, ne sachant pas que c'était Zeus. Toujours déguisé, il eu une aventure avec elle. Leda devint enceinte de deux oeufs. Un oeuf donna naissance à Pollux et Helen, immortels parce qu'ils étaient la progéniture de Zeus. L'autre oeuf donna naissance à Castor et Clytemnestra mortels ; ils étaient la progénitures de Tyndareus. Naturellement, Pollux et Castor sont connus en tant que jumeaux merveilleux, l'un mortel, l'autre immortel...

La deuxième histoire est associée à L'Eridanus. Un jeune homme nommé Phaethon (le fils d'Helios dieu du soleil) conduisait le chariot ardent de son père à travers le ciel merveilleux. Il perdit le contrôle du chariot et il commença à brûler tout autour de lui. Zeus ne voulait pas qu'il endommageât la terre. Il laça une de ses lances de foudre au chariot. Phaethon et le chariot tombèrent dans l'Eridanus. Un de ses meilleurs amis rechercha son corps roussi dans l'eau pendant tellement longtemps qu'il est par la suite devenu un cygne